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Quel pourrait être le thermalisme du 21ème siècle ?

Pr. Yves-Jean BIGNON, Président de Thermauvergne, Responsable de la médecine thermale à l’Université Clermont Auvergne

Deux événements récents nous contraignent à repenser la thermalisme français.

La crise sanitaire du COVID19, avec la fermeture temporaire des établissements thermaux, a mis en évidence que la seule activité médicale considérée comme non essentielle était la médecine thermale.

L’amendement n°AS699 déposé par le député Thomas Mesnier à l’occasion de l’examen du PLFSS 2023 (Projet de Loi de Financement de la Sécurité sociale) « propose de conditionner le remboursement des cures thermales à l’évaluation de leur Service Médical Rendu par la Haute Autorité de Santé (HAS). S’assurant de l’efficacité médicale des cures thermales remboursées, la Sécurité sociale ne prendra plus en charge les soins que la Haute Autorité de Santé juge suspects ou infondés ». La démarche du député reposait sur le fait que « La prise en charge d’un traitement par la solidarité nationale doit être conditionnée au bien-fondé de son efficacité prouvée scientifiquement » (cet amendement ne sera finalement pas retenu par le gouvernement à l’heure où ces lignes sont écrites).

Ainsi, d’un côté la médecine thermale ne relève pas de la médecine, de l’autre elle serait contrainte par la HAS. Et malgré tout cela, elle vient d’être reconnue le 24 juillet 2021 comme patrimoine immatériel par « la cure thermale » au patrimoine mondial de l’UNESCO au sein des  « Grandes villes d’eaux d’Europe » (c’est la seule activité médicale à bénéficier de cette reconnaissance prestigieuse).

Que nous enseigne tout cela ?

Restons factuels et humbles, c’est de  la fragilité d’une belle vieille dame de la médecine dont on parle, qui a eu ses lettres de noblesse mais qui est restée sur le quai de la gare du train à grande vitesse de l’évolution et de la révolution de la médecine moderne qui s’est opérée depuis un demi-siècle.

Alors faudrait-il ou non que la médecine thermale entre dans le giron de la médecine ?

  • Certains diront que le thermalisme doit se diversifier et laisser la place au tourisme thermal que ce soit en thermoludisme ou en séjours bien-être.
  • D’autres diront qu’elle doit se diversifier dans le domaine médical et proposer des séjours de « prévention-santé », voire faire évoluer les stations thermales vers des « Stations Thermales de Pleine Santé ».

J’aurais tendance à penser que le thermalisme du 21ème siècle doit se diversifier dans toutes ces perspectives dont aucune n’est antagoniste de l’autre.

Une médecine thermale qui doit évoluer

Mais quand on parle de médecine thermale, on doit parler de médecine du 21ème siècle avec toute la rigueur de ses pratiques et de ses évaluations qu’elle impose. Pour cela plusieurs révolutions seraient nécessaires plus ou moins complexes à mettre en œuvre non sans quelques réticences et freins :

  • Remplacer la prescription médicale par « orientations » datant de 1946 (12 orientations) par des prescriptions par pathologie
  • Renforcer la formation universitaire des médecins thermaux (il n’y a plus que 5 universités françaises qui prodiguent cet enseignement) et l’attractivité de la médecine thermale.
  • Renforcer la recherche en médecine thermale pour atteindre les meilleurs niveaux de publications des résultats obtenus, ce qui signifie de ne pas se contenter d’évaluer le SMR (Service Médical Rendu) entaché au regard de la science d’une certaine subjectivité dans son évaluation.
  • Continuer d’innover dans tous les domaines d’utilisation des eaux thermales mais aussi, au-delà des eaux, pour la prise en charge des malades, des aidants, des non malades.
  • Mettre la médecine thermale sous la tutelle du Ministère de la Santé, ce qui aurait pour conséquence de faire reconnaitre les établissements thermaux comme établissements de santé.
  • Ne plus se contenter d’une médecine thermale basée sur la composition physicochimique des eaux comme au 17ème siècle pour évoluer, comme toutes les autres spécialités médicales l’ont fait, vers une médecine biologique moléculaire.

Les défis à relever pour 2023 et bien au-delà, sont nombreux et la contribution de tous sera nécessaire !